De la révocation à 1709, Gluiras apparaît constamment dans la chronique de la persistance de la Foi réformée, de la répression et de la révolte en Vivarais.
Ne retenons que quelques faits marquants. Suite à l’apparition du phénomène du “prophétisme”, les assemblées se multiplient, la répression s’accentue.
En février 1689, juste avant le massacre bien connu du Serre de la Palle, c’est à Gluiras que M. de Folleville, qui commande une troupe d’infanterie régulière, de dragons et de milices, commence son expédition punitive. Logé à Saint-Martin-de-Cols, informé par ses indicateurs et ses patrouilles, il suit les “attroupements de malintentionnés”. Il massacre une quarantaine de personnes au Fort Saint-Jean.
Plus tard, Antoine Court mentionne l’arrestation , le 16 septembre 1701, de Marie, dite la Boîteuse, née à Gluiras, dans une assemblée aux environs de Pranles.
En 1704, c’est une véritable insurrection camisarde qui débute à Gluiras. Après l’échec d’une incursion de Cavalier en Vivarais à partir de l’Uzège, une centaine de jeunes gens, animés par Jean-Pierre Dortial, Abraham Charmasson et Louis Mercier, attaquent le presbytère de Gluiras dans la nuit du 18 au 19 février, tuent le curé et son vicaire, et incendient l’église. Le subdélégué Dumolard alerte l’intendant Basville et le maréchal de camp Julien qui commande les soldats les plus proches. La poursuite des insurgés, qui incendient d’autres églises, s’organise, et se termine par le combat de Franchassis (Pranles) le 24 février.
La répression est féroce ; des troupes sont cantonnées aux frais des communautés dans les paroisses indociles (cent vingt soldats, dont les Suisses du régiment de Courten, à Gluiras, cent vingt autres à Léga (?), qui pourrait bien se trouver également sur le territoire de Gluiras, dominant l’Eyrieux et les passages vers le haut Vivarais). Les Nouveaux Convertis doivent financer la reconstruction de l’église et répondront sur leur vie de toute violence contre un prêtre.
Le 15 juillet 1704, le Maréchal de camp Julien écrit encore : “Il ya de détestables dispositions dans l’esprit du peuple pour la révolte (…). Cette paroisse de Gluyras est des plus maudites et des plus malintentionnés de tout le Vivarès”.
Le 20 juin 1706, une patrouille surprend une assemblée dirigée par Pierre Lascours dans le moulin de Chamanche sur le Roufiol : une quinzaine de personnes est arrêtée.
En avril 1709 enfin, le chef camisard Abraham Mazel tente une nouvelle insurrection en Vivarais, plus organisée, comptant sur une aide financière et militaire des pays protestants, et ajoutant à la revendication de liberté religieuse un appel à la révolte contre les impôts nouveaux. une fois encore, Gluiras est au centre du dispositif militaire ; par précaution, même les “Anciens Catholiques” sont désarmés. Mazel est d’ailleurs en contact avec un autre camisard, Claris, Jean-Jacques Chambon sera trahi par des papiers saisis sur un compagnon de Mazel, jugé et exécuté en 1710.
Durant cette période, même les faits divers sont prétexte à conflit religieux : en 1694, Izabeau, fille de Durand Courtial , le notaire royal de la Marette qui a été déjà mentionné, disparaît. Celui-ci accuse ses fermiers, Jacques Bonnet et sa femme Marie Besson, d’enlèvement (il semble plutôt s’agir d’une fugue, mais huit lourdes condamnations sont pronocées). Au cours de l’instruction, il est noté : “Ceux qui ont enlevé sa fille n’ont jamais fait leur fonction de catholiques, au contraire suivent des assemblées deffendues et sont les principaux autheurs de ceux qui s’assembles dans ce pays avec des prédicateurs …”. Cela a-t-il été aux condamnations ?
On comprendra, après de tels évènements, l’attachement des Gluirassous protestants à leur foi, et qu’il ait fallu quelque temps avant que les rapports entre catholiques et protestants ne se “normalisent” … Il est vrai qu’au milieu du XIX°siècle encore, le curé de Gluiras Chanal proteste parce que la commune entretien le “venin de l’hérésie” en ouvrant aux protestants un cimetière qu’il considère comme terre exclusivement catholique.
Ces textes sont extraits de l’ouvrage “Pays d’Ardèche : les Boutières” (Edition Mémoire d’Ardèche et Temps Présent – 2003)