Notre voie romaine ne serait elle ni romaine, ni royale

Une étude sur la route royale Privas-Le Cheylard, dite des Dragonnades, réalisée par l’association “Patrimoine Huguenot d’Ardèche” sous l’égide du Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche, vient de paraître.

On y trouve une présentation du contexte historique auquel est lié l’aménagement de cette voie.

Rappelons ici qu’après la révocation de l’Edit de Nantes en 1685 sous Louis XIV, la volonté souveraine est d’adopter dans tout le royaume la devise : “Un roi, une loi, une foi.” Faire suivre par tous une telle ligne de conduite nécessite alors une force militaire et policière pour lutter contre les réfractaires, comme il y en a toujours, et dans ce cas beaucoup.
Dans notre région notamment, d’importants mouvements rebelles entraînent une forte répression, menée par ces soldats que l’on nomment les Dragons. Cependant, leurs déplacements sont entravés voire impossibles du fait des difficultés d’accès dans des territoires alors considérablement enclavés. On aménage donc, entre autres voies, l’axe Privas-Le Cheylard. L’étude, qui a comme objectif futur la réalisation d’un circuit à thème autour de cette voie, en présente le tracé rétabli sur toute sa longueur entre les deux villes reliées. La voie est soit confondue ou juxtaposée avec les réseaux routiers, soit conservée en chemin, soit visible par des traces fossiles entre prés et bois, ou encore complètement embroussaillée.

Il nous a paru intéressant de rapprocher son tracé, et cette étude, d’un article de 2 pages, paru il y a presque 20 ans, dans le VAG n°11 de septembre 1981, rapportant les recherches de M. Simonot, sur ce que l’on a pris l’habitude à Gluiras de désigner comme la “voie romaine”. D’une part, si cette voie est assez mal conservée dans son ensemble, note-t-il, on pourrait néanmoins rétablir son tracé grâce à divers vestiges retrouvés à travers la commune.
D’autre part, il s’est donc penché plus particulièrement sur un tronçon très net, situé entre les lieux-dits Chaillac et l’Arbre. On observe là des virages en “épingle à cheveux” sur une pente abrupte, constat qui amène l’auteur à douter de l’origine romaine de cette voie, puisque les attelages d’alors n’avaient ni collier ni direction articulée. D’un autre côté, on doit reconnaître qu’un grand soin a été apporté au pavement et au soutènement, ce qui révèle une importante voie de communication. Une question se pose alors : quand et à quel usage a-t-elle été réalisée ? A ce propos, l’auteur, lui, évoque justement la répression confiée par le roi à l’armée à la fin du XVIIème siècle ; ainsi que la nécessité d’aménager pour les Dragons du roi des accès à l’intérieur des territoires, des chemins alors ouverts ou aménagés, dont l’axe Privas-Vernoux. Sur cet axe, selon son hypothèse, Gluiras aurait été une étape très probable, et le chemin de la commune, injustement nommé “voie romaine”, un vestige de celui suivi par les Dragons.
Pourtant, tant dans le texte de l’étude fournie par le PNR que dans ses cartes, il n’est fait aucune mention d’un passage ni par cette voie ni même sur la commune. Alors, d’une part vraisemblablement guère plus romaine que scandinave ; d’autre part nullement considéré dans l’étude sur la route des Dragonnades ; qu’en est-il de ce chemin ? Quand a-t-il été pavé ? Pour quoi et pour qui ? Pas pour passer le temps en tout cas… Et, quelle que soit sa réalisation initiale d’ailleurs, il aurait été dédaigné à un moment où, pour l’activité des Dragons, la nécessité et le manque de moyens d’accès aux zones isolées étaient si forts ?
Cela laisse dubitatif, soulève en tout cas un questionnement. La question est pour nous ouverte… Lecteurs de ce journal, tous les éléments susceptibles de l’éclaircir seraient les bienvenus.

L’étude de l’association “Patrimoine Huguenot d’Ardèche” est disponible en bibliothèque pour tous ceux qui veulent la consulter..