[…] Comme de nombreux villages des Boutières, Gluiras présente des paysages très différents selon l’altitudes, l’ubac ou l’adret, les tendances climatiques ; des terrasses, ou champs, construites de la main de l’homme (que de trajets avec la besse ou le coulassou ! Quel travail le dos courbé sur le béchar…) encore très visibles, parfois encore en culture sur le versant de l’Eyrieux, parfois hélas en cours de disparition ; des terrains plus plats en gagnant de l’altitude apparentés déjà au plateau. 4 % des terres restent cultivées, 12 % constituent des pâtures, 30 % sont maintenant en landes, le reste est planté d’arbres cultivés ou plus spontanés. Ce paysage montre la déprise agricole contemporaine ; l’appartenance de la commune au Parc Naturel des Monts d’Ardèche montre sa volonté d’entretien, de gestion, de revitalisation de l’espace tout en sauvegardant la pérennité des ressources naturelles. Gluiras, situé à plus de 10 km des vallées et des voies modernes, a su conserver son authenticité et la beauté de son patrimoine bâti (public ou privé) qui étonne par son homogénéité de pierres rousses ou grises, ses huisseries aux teintes naturelles ou se fondant dans le paysage ; il y a eu là la volonté de conserver cet environnement exceptionnel. Mais la commune actuelle, c’est aussi l’aboutissement d’une longue histoire, complexe et mouvementée.
Moyen-âge : naissance du système féodal.
La communauté de ” Gloyraz ” sort de l’anonymat en 1083 dans le cartulaire de Saint Barnard. Mais la terminaison -az ou as- dérivée du suffixe gaulois latinisé ancien. Selon Albin Mazon, le premier Gluirassou connu serait un Etienne dont le cartulaire de Saint-Chaffre mentionne qu’il a donné en 1034 à cette abbaye un domaine en échange d’un mulet et de 125 sols valentinois. Ce marché approuvé par l’évêque de Viviers et son neveu Guigues de Montagut montre que se mettent alors en place fiefs religieux et laïcs. Gluiras conserve vivace le souvenir du Château de Saint-Jean, pourtant détruit depuis longtemps. Le système féodal tient à la fois de la mosaïque et de la pyramide : des petits seigneurs implantés localement prêtent hommage à un suzerain plus puissant, en cascade. L’organigramme est complexe, et évolue constamment fiefs nobles et maisons fortes changent de main au gré des alliances, le suzerain peut donner une portion de ses possessions en nouveau fief. Dans une structure qui perdurera jusqu’à la Révolution, à côté de familles anciennes apparaissent les capitaines-châtelains du Coulet (où subsistent des tours dans la partie encore en ruines), la seigneurie de la Marette (dont un notaire royal, probablement anobli est encore dit châtelain en 1694). La terre seigneuriale de Gluiras (qui apparaît déjà sous le vocable de Saint Apollinaire) est cédée en 1259 à Aymar de Poitiers. Dans la mouvance des comtes de Valentinois, elle dépendra en son temps de Diane de Poitiers, maîtresse du roi Henri II. Une partie du fief est acquise en 1488 par Antoine de Chambaud, seigneur de la Tourette. Ses successeurs, devenus barons de Chalencon, devront attendre 1657 pour acquérir l’autre partie de la paroisse. Celle-ci est déjà importante au Moyen Age, puisque les Estimes de 1404 y dénombre cent sept ” feux ” (statistique approximative, un ” feu ” fiscal pouvant correspondre à une veuve vivant seule comme à une famille regroupant parents, enfants et petits-enfants). Durant tout l’Ancien Régime, Gluyras constituera un mandement, ressort à la fois judiciaire et fiscal. Des lieux-dits comme ” la Grange ” sont enfin souvent le signe de la présence ancienne d’exploitations agricoles seigneuriales, souvent ecclésiastiques.
Un nouveau monde : la réforme.
C’est le protestantisme et son corollaire la répression catholique qui vont véritablement faire entrer Gluiras dans l’Histoire. On connaît la progression rapide de la Réforme en Vivarais (dès 1541 l’évêque de Viviers s’alarme de l’importance de ” l’hérésie ” dans son diocèse). A Gluiras, Samuel Mours considère qu’une église réformée est ” dressée ” dès 1560-1562, c’est à dire qu’une partie importante de la population est gagnée et que le culte y est déjà régulier. Contrairement à d’autres régions (Etats allemands ou Navarre), la Réforme n’est pas le fait du Prince ou des nobles, mais se révèle, d’emblée, ce qu’elle restera : un mouvement populaire et rural, même si notables locaux, artisans et nobles n’y sont pas étrangers. Emmanuel Le Roy Ladurie a bien montré les facteurs de progression de la Réforme en Languedoc : besoin très tôt exprimé d’un retour aux valeurs évangéliques que méconnaît le clergé, pénétration du français, et dans une certaine mesure de l’imprimé, suivant le sillon rhodanien, réaction sociale et économique contre les richesses temporelles de l’Eglise (et Gluiras est le siège d’un prieuré qui perçoit la dîme…). Or il ne faut pas oublier que jusqu’au XIXe siècle, au temps où piétons et muletiers sillonnent voies de crêtes et chemins de traverse, Gluiras est, paradoxalement moins enclavé qu’à une époque où priorité est donnée à la vitesse et au transport automobile : c’est un carrefour (route de Privas à Chalencon et Vernoux, route du plateau par les crêtes), on vient à ses foires, les Gluirassous vont en retour à des foires parfois lointaines ; pèlerins, colporteurs, prédicants (Chapel en 1560) parcourent en tous sens la paroisse. Lorsqu’au moment de la Révocation, l’intendant Basville construit des routes pour ouvrir ce ” pays impénétrable “, il pense aux attelages, aux soldats en colonnes et à l’artillerie. Dès 1562, des anciens ou des diacres de Gluiras sont présents aux assemblées politiques qui se tiennent à Rochemaure. En Vivarais comme ailleurs, cette affirmation publique et la volonté répressive de l’Eglise catholique et du roi de France vont déclencher une longue période de guerres. Si, à Gluiras, l’expression ” guerre de religion ” semble dans la mémoire collective évoquer plus la période camisarde que les conflits du XVIe siècle, ceux-ci la touchèrent directement : en 1592 par exemple, une compagnie de Jacques de Chambaud, gouverneur huguenot du Vivarais, est logée et complète son effectif à Gluiras.
Répression et persistance de la foi réformée.
Durant le règne de Louis XIV, Gluiras, qui compte 516 habitants en 1689, subit une persécution croissante jusqu’à la révocation de l’Edit de Nantes. De 1669 à 1683, à chaque tentative de remettre en cause l’exercice de la “Religion Prétendue Réformée”, Gluiras est classé dans les “Eglises maintenues”. En 1677, c’est même à Gluiras que le Synode place, pour le protéger des poursuites, Pierre Cotte, pasteur de Saint-Voy. En 1683, suite à des intentions sans doute mal comprises de Claude Brousson, les prêches en lieux interdits se multiplient. Les habitants de Gluiras sont signalés à Saint-Michel-de-Chabrillanoux. L’exaspération face aux provocations et aux vexations catholiques fait sortir les fusils. Après le combat de l’Herbasse et l’attaque de Chalencon, Isaac Homel se retire à Gluiras où il pense être en sécurité dans une population amie. Mais la force l’emporte : en 1683 le temple de Gluiras est détruit.
En 1685, après l’Edit de Fontainebleau, il n’y a plus de protestants. Gluyras, comme tout le royaume, se partage en Anciens Catholiques et Nouveaux Convertis. Provocation ? La clé de voûte du porche de l’église porte la date de 1685. Les évènements vont démentir l’optimisme de Versailles.
Résister : le prophétisme et la révolte.
De la Révocation à 1709, Gluiras apparaît constamment dans la chronique de la persistance de la Foi réformée, de la répression et de la révolte en Vivarais. Ne retenons que quelques faits marquants. Suite à l’apparition du phénomène du ” prophétisme “, les assemblées se multiplient, la répression s’accentue. En février 1686, juste avant le massacre bien connu du Serre de la Palle, c’est à Gluiras que M. de Folleville, qui commande une troupe d’infanterie régulière, de dragons et de milices, commence son expédition punitive. Logé à Saint-Martin-de-Cols, informé par ses indicateurs et ses patrouilleurs, il suit les ” attroupements de malintentionnés “. Il massacre une quarantaine de personnes au Fort Saint-Jean. Plus tard, Antoine Court mentionne l’arrestation, le 16 septembre 1701, de Marie, dite la Boîteuse, née à Gluiras, dans une assemblée aux environs de Pranles. En 1704, c’est une véritable insurrection camisarde qui débute à Gluiras. Après l’échec d’une incursion de cavaliers en Vivarais à partir de l’Uzègue, une centaine de jeunes gens animés par Jean-Pierre Dortial, Abraham Charmasson et Louis Mercier, attaquent le presbytère de Gluiras dans la nuit de 18 au 19 février, tuent le curé et son vicaire, incendient l’église. Le subdélégué Dumolard alerte l’intendant Basville et le maréchal de camp Julien qui commande les soldats les plus proches. La poursuite des insurgés, qui incendient d’autres églises, s’organise et se termine par le combat de Franchassis (Pranles) le 24 février. La répression est féroce ; des troupes sont cantonnées aux frais des communautés dans les paroisses indociles (cent vingt soldats, dont les Suisses du régiment de Courten, à Gluiras, cent vingt autres à Léga (?), qui pourrait bien se trouver également sur le territoire de Gluiras, dominant l’Eyrieux et les passages vers le Bas Vivarais). Les Nouveaux Convertis doivent financer la reconstruction de l’église et répondront sur leur vie de toute violence contre un prêtre.
Le 15 juillet 1704 le Maréchal de camp Julien écrit encore ” Il y a toujours de détestables dispositions dans l’esprit du peuple pour la révolte ‘…) Cette paroisse Gluyras est des plus maudites et des plus malintentionnées de tout le Vivarais “. Le 20 juin 1706, une patrouille surprend une assemblée dirigée par Pierre Lascours dans le moulin de Chamanche sur le Rioufol : une quinzaine de personnes est arrêtée. En avril 1709 enfin, le chef camisard Abraham Mazel tente une nouvelle insurrection en Vivarais, plus organisée, comptant sur une aide financière et militaire des pays protestants, et ajoutant à la revendication de liberté religieuse un appel à la révolte contre les impôts nouveaux. Une fois encore, Gluiras est au centre du dispositif militaire : par précaution même les ” Anciens Catholiques ” sont désarmés. Mazel est d’ailleurs en contact avec un notable de la paroisse, Jean-Jacques Chambon. Après la défaite, c’est près de chez lui (au domaine qui porte le même nom) que Mazel se réfugie avant de gagner les Cévennes. En contact également avec un autre chef camisard, Claris, Jean-Jacques Chambon sera trahi par des papiers saisis sur un compagnon de Mazel, jugé et exécuté en 1710. Durant cette période, même les faits divers sont prétexte à conflit religieux : en 1694, Izabeau, fille de Durand Courtial, le notaire royal de la Marette, disparaît. Celui-ci accuse ses fermiers, Jacques Bonnet et sa femme Marie Besson, d’enlèvement (il semble plutôt s’agir d’une fugue, mais 8 lourdes condamnations sont prononcées). Au cours de l’instruction il est noté : ” Ceux qui ont enlevé sa fille n’ont jamais fait leur fonction de catholiques, au contraire suivent des assemblées défendues et sont les principaux autheurs de ceux qui s’assembles dans ce pays avec des prédicateurs… “. Cela a-t-il été étranger aux condamnations ? On comprendra après de tels événements, l’attachement des Gluirassous protestants à leur foi, et qu’il ait fallu quelque temps avant que les rapports entre catholiques et protestants ne se normalisent… Il est vrai qu’au milieu du XIXe siècle encore, le curé de Gluiras Chanal proteste parce que la commune entretient le ” venin de l’hérésie ” en ouvrant aux protestants un cimetière qu’il considère comme terre exclusivement catholique.
XVIIIe siècle : la Révolution s’annonce.
Après 1715, Antoine Court, dont on connaît les réticences à l’égard du ” prophétisme ” et de la lutte armée, réorganise, aidé de Pierre Durand, l’Église du ” Désert “. Les assemblées clandestines continuent : 1724 (une trentaine de personnes de Gluiras et Saint-Christol sont arrêtées), 1739, 1744. Encore ne connaît-on souvent que celles qui sont surprises et réprimées. Condamnés à un double jeu, les ” N.C ” se réfugient dans une piété familiale comme en témoigne le livre de raison tenu par Jacques Delarbre de 1739 à 1750.
Mais la communauté de Saint-Apollinaire de Gluyras, suffisamment importante pour être administrée par deux consuls (comme Privas), connaît aussi les difficultés du royaume. Le poids des impôts (seigneuriaux, ecclésiastiques et royaux) est lourd. Déjà en 1706 le collecteur désigné pour la section de Saint-Martin est emprisonné pour un impayé de 112 livres. En 1779, un habitant de Gluiras est convoqué devant les juges de Chalencon par le marquis de la Tourette pour un retard d’impôts des années 1766-1768. En 1786, la communauté doit 3 287 livres 19 sous 6 deniers d’impôts royaux, dont 435 livres de dépenses militaires (le prix d’une journée de travail est évaluée de 1 à 3 livres …). A cela s’ajoutent intempéries, vent grêle, en 1732, 1765, 1772. Seule lueur d’espoir : en 1787, après l’Edit de Tolérance le juge Barruel de Villeneuve-de-Berg vient régulariser mariages et naissances célébrés au Désert. Il est temps qu’en 1789 les trois délégués de Gluiras portent les ” doléances ” de la population à la Sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg en vue des Etats généraux. A cette époque, Gluiras est la sixième communauté du Vivarais (1680 habitants en 1790), devant Privas.
Révolution et XIXe siècle : l’apogée.
Fait le plus important dû à la Révolution à Gluiras : les protestants retrouvent une existence légale (l’un deux, Jacques Delarbre, sera maire durant toute la période révolutionnaire), et bientôt leur liberté de culte. Gluiras suit les événements. Le 19 juin 1793, un certificat de civisme est signé entre autres par les citoyens Delarbre, Marcesse et Vignal. Le 19 germinal en II (8 avril 1794), la cure est attribuée à la municipalité et au comité de surveillance ” pour y tenir séance au lieu d’un méchant cabaret “. L’Eglise devient Temple de la Raison où s’assemble la société populaire. Pourtant, durant la Révolution et l’Empire, des incidents émailleront les opérations de conscription et de levée en masse ; on peut comprendre les réticences à voir partir la jeunesse de la commune. Mais quand en 1795 un tumulte aux cris de ” Vive le Roi ” perturbe une foire à Gluiras, la municipalité s’empresse de dire aux autorités que c’est le fait de jeunes gens extérieurs à la commune. Essor démographique, culture de toutes les terres disponibles, plein développement du châtaignier et de la soie, Gluiras connaît son apogée dès 1836 avec 3019 habitants. Les protestants retrouvent un pasteur en 1819 et un temple en 1833. A noter en 1851 la nette majorité donnée par la section cantonale où vote Gluiras à Cavaignac, considéré, bien qu’ayant réprimé la Révolution de juin 1848, comme plus républicain que Louis-Napoléon Bonaparte. La Troisième République jusqu’à 1914 est encore une période faste, même si la population commence à baisser (la maladie de l’encre et le phylloxéra frappent l’agriculture) : 2 243 habitants en 1911. Albin Clauzel, maire de Gluiras, est député de l’Ardèche de 1886 à 1893. Outre celle du village, trois écoles sont construites dans les hameaux de Plos, la Fargatte et Mours. La saignée de 1914-1918, sur laquelle on reviendra, sera terrible pour Gluiras. Il est impossible que cette histoire n’ait pas laissé des traces dans ce qui fait aujourd’hui la commune de Gluiras.
Pendant deux siècles, ses habitants protestants on été farouchement attachés à leur foi et à tout ce qu’elle représentait d’innovation et d’audace, et pourtant on les a poussés par la répression à se méfier de ce qui venait de l’extérieur, en particulier du pouvoir central. Ses habitants catholiques ont dû affronter les reproches adressés à un clergé et à un pouvoir répressif dont ils n’étaient pas toujours solidaires. C’est dans ces conditions qu’à partir du XIXe siècle, l’attachement à la République est devenu une valeur permanente. Citons pour terminer, la délibération du conseil municipal du 25 août 1944, qui se réjouit de la libération du village le 18 juin par les F.F.I, du fait que trente-cinq jeunes de la commune, majoritairement des hameaux, aient rejoint le Maquis, et qui dénonce la barbarie des bombardements des 17 et 18 juillet (deux maisons détruites, église, temple et nombreuses maisons endommagés).
Évolution démographique à l’époque contemporaine.
A la fin du XIXe siècle, avec Beauvène (qui a fait partie de la commune jusqu’en 1924) et les quartiers maintenant rattachés à Saint-Sauveur-de-Montagut, Gluiras était la plus grande commune rurale des Boutières. Après une période d’expansion économique et démographique maximale, la guerre de 1914-1918 décime la population : 96 morts. Outre le chagrin des familles, ces pertes privent la commune d’une jeunesse essentiellement paysanne. Ce sont ses forces vives qui sont touchées. En 1921, il n’y a déjà plus que 1 863 habitants. L’exode rural qui marque la campagne française touche fortement Gluiras ; les jeunes partent en ville, attirés par l’industrialisation ou le secteur tertiaire. En 1954, Gluiras ne compte plus que 850 habitants. En 2002, avec 381 habitants, la baisse démographique st stoppée mais Gluiras a perdu 75 % de sa population en un siècle. Une étude approfondie de la démographie actuelle montre des caractères originaux et des signes de vitalité encourageants. Sur 381 habitants, il y a 203 hommes et 178 femmes, 13 personnes sont nées avant 1914 (dont 9 femmes), 246 habitants ont moins de 60 ans. Sur 45 enfants de moins de 12 ans, 15 sont Gluirassous de souche (4 d’origine paysanne), 30 enfants ont des parents non originaires de Gluiras, mais vivant dans la commune. Lorsqu’on observe la population active, on note son évolution depuis 30 ans : les agriculteurs sont quatre fois moins nombreux (tranche d’âge 18-60 ans), les ouvriers et les employés respectivement cinq fois et deux fois plus nombreux. La population est composée de Gluirassous de souche dont les familles sont parfois très anciennes (on retrouve des patronymes dans les mêmes lieux aux XVIIe et XVIIIe siècles). Mais il y a de plus en plus de ” néo-ruraux ” qui, dans le mouvement actuel de retour à la campagne, s’installent à Gluiras : jeunes couples d’origine ardéchoise ou d’autres régions, parfois attirés par une politique active de la municipalité qui depuis 1977 n’a cessé de développer l’habitat locatif (vingt trois logements créés), jeunes retraités ardéchois ou résidents secondaires optant définitivement pour Gluiras. Cette population est en outre quantitativement variable ; sur quatre cents constructions, deux cent quinze sont des résidences secondaires où se retrouvent dès les vacances familles et amis, attirés depuis les années 70 par l’authenticité et l’accueil de Gluiras. Ils ont apporté à nouveau une ouverture sur un monde extérieur différent dans une commune éloignée des routes de vallées créées au XIXe siècle et qui s’était un peu refermée sur elle-même. Ce creuset de population, avec une économie en pleine évolution, peut peut-être expliquer des tensions (sensibles aux dernières élections municipales) entre d’une part, des Gluirassous de souche et des néo-ruraux favorables à une transformation dynamique, et d’autre part, des habitants plus marqués, dans la période de mutation actuelle, par un passéisme nostalgique. Les lignes de partage ne sont pas seulement entre la gauche et la droite, ou entre catholiques et protestants ; la coupure est plus profonde et plus diversifiée. Seul le constat du dynamisme retrouvé à Gluiras pourra surmonter ces différends déjà moins sensibles.
Tableau économique.
L’agriculture, qui a toujours joué un rôle important à Gluiras, reste un secteur actif, même si la commune a subi, comme toutes les communes de montagne, une diminution du nombre des exploitations agricoles : trente deux en 1970, quinze en 2000 (dont deux GAEC et un apiculteur), mais six agriculteurs seulement ont moins de 60 ans. Les superficies varient de 12 à 170 hectares, l’activité agricole reste tournée vers les fruits et légumes et de plus en plus vers l’élevage. L’avenir reste difficile dans le cadre européen. Primes et politiques municipales ont permis un certain maintien. Les productions traditionnelles de qualité, de plus en plus appréciées par les consommateurs, sont-elles un espoir pour l’agriculture de demain à Gluiras ? Coupée de Beauvène en 1924, Gluiras a perdu la majeure partie de son secteur industriel textile. Restait le moulinage de Gratteloup, seul mû par l’énergie hydraulique. Une usine textile ouverte dans les années 30 au village, après l’électrification, a fermé définitivement ses portes en 1980, faisant alors douze chômeurs. Du fait de sa situation, Gluiras est plus une commune agricole et tertiaire qu’industrielle. En revanche, l’artisanat est important, surtout dans le secteur lié à la construction (scierie, menuiserie, entreprise de maçonnerie). Il y a même un architecte… En ce qui concerne le commerce, hormis les activités liées à l’accueil touristique, seules subsistent l’épicerie-bar du village et l’auberge gastronomique ” le Relais de Sully ” (souvenir de l’ormeau célèbre planté en 1610 et malheureusement disparu récemment malgré les soins). Les achats drainent la population vers Saint-Sauveur-de-Montagut, le Cheylard ou Valence. Gluiras est devenue une commune touristique : résidences secondaires, gîtes, camping… Toute la commune est à découvrir (château de Saint-Jean, point de vue de Chalan, le Besset, hameaux accueillants). Trois sentiers de randonnées sillonnent la commune. La voie dite ” romaine ” parce qu’ancienne, présente plusieurs tronçons bien conservés entre la Chapelle, Chaillac et la route d’Extrémianoux, qui montrent qu’elle a certainement été aménagée au XVIIe-XVIIIe siècles comme route militaire. Les témoignages du passé historique partout vivant ne doivent pas masquer le dynamisme retrouvé de la commune, dont témoigne par exemple le projet d’aménagement de l’Hermet en zone résidentielle et artisanale. La vie de Gluiras, ce sont également des services publics, l’école à deux classes, la Poste, actuellement menacées, pour la défense desquelles la population sait se mobiliser et soutenir l’action municipale. C’est aussi la Mairie, tous les jours au service des habitants et un service d’aide à domicile géré par l’UNRPA.
Culture et convivialité.
Gluiras a su conserver et développer une vie associative, culturelle et religieuse très riche. Les deux religions traditionnelles restent fortement implantées. Beaucoup restent catholiques ou protestants convaincus même si comme partout un certain désintérêt religieux se fait sentir. Les mariages mixtes ont longtemps été difficiles, mais l’œcuménisme progresse lentement. A noter en outre la présence de darbystes et d’une église pentecôtiste bien vivante. Les associations sont nombreuses : chasseurs, pêcheurs, U.N.R.P.A, Comité des fêtes, Gluiras-sou des écoles, Gluiras-Accueil, les Gais Lurons de la Fargatte. Les fêtes d’été, les lotos et le Festival d’Art d’automne depuis 1986 (de réputation internationale) sont autant de moments de convivialité réunissant habitants permanents et résidents secondaires.
La richesse de la coopération intercommunale.
Depuis 2002, Gluiras fait partie, avec Saint-Pierreville, Albon, Marcols-les-Eaux, Issamoulenc, Saint-Julien-du-Gua, de la communauté des châtaigniers. Alain Risson, Maire de Gluiras en a été élu président par les délégués des conseils municipaux concernés. Une nouvelle énergie doit naître de cette volonté de vivre et d’agir ensemble.
Regarder l’avenir : Gluiras ” Cyber commune “.
Mais l’audace de Gluiras, c’est surtout son entrée de plain-pied dans les NTIC (nouvelles technologies d’information et de communication), dont l’intérêt n’est pas encore bien perçu par tous, quoique peut-être mieux à Gluiras qu’ailleurs. Dès 1983, le maire Alain Risson voit tout le parti que l’on peut tirer alors de l’existence du minitel. En 1988, l’association 07-63, créée à l’initiative de Gluiras, a mis en place un réseau télématique (Mairietel) dont bénéficient plus de 500 communes. Puis arrive Internet. Le centre MediaG, créé en 1998 répond à la volonté d’Alain Risson et de son équipe de ne pas voir les nouvelles technologies réservées à une minorité de privilégiés, mais de les mettre démocratiquement au service de toute la population, en créant en plus des emplois.
C’est le sens également de l’importance donnée à l’équipement informatique de l’école. Au début du XXIe siècle, Gluiras est une référence et un leader dont journaux, radios et télévisions se sont fait les échos. Comme président de l’association pour les e-procédures, Alain Risson est même à l’origine des textes créant et réglementant la ” signature électronique ” reconnue comme moyen légal d’authentifier un document. Le site Internet (www.gluiras.fr) fournit au monde entier des informations sur cette petite commune ardéchoise et ouvre l’accès à de nombreux services administratifs.
Animées par Alain Risson élu et réélu depuis 1977, les équipes municipales qui se sont succédé ont à la fois défendu les acquis et fait de la commune un pôle de convergence de la modernité, sans que soit perdu de vue le fait que, derrière les technologies, il y a des hommes et des femmes qui se souviennent que le passé leur a appris à ne pas renoncer. Gluiras dans sa situation particulière, saura-t-il faire face à une société de plus en plus complexe ? Les Gluirassous, qui aiment leur commune, feront-ils face comme ils l’ont toujours fait dans le passé ? Le XXIe siècle le dira.
(A suivre donc… plus tard)